Et tu vois pas comment ça peut se terminer.

T'as pas fermé les yeux pourtant. Non. T'en es persuadée. T'as pas fermé les yeux. Avant ce virage, ça durait. T'étais là, encore, à parler. A parler à Benoît, ou peut-être à la lune. Presque pleine à ras bord. Un peu plus et elle débordait. Sur toi. Tu retenais tes paupières. Tu retenais ton souffle. Tu voulais rien perdre. Pas un instant. T'étais là, à sourire encore. A Venise, juste derrière toi. Aux souvenirs, si près et si loin, déjà. Vous aviez compté les mois, les semaines, les jours, et puis vous vous étiez dits à lundi. Avant ce virage, y avait encore la tête de Paul sur ton épaule. Tu la sens. Qui glisse. Malgré toi. T'as beau te dire, c'est comme ça, tout se termine, chaque vie prend des tournants conséquents, tu t'en fous pas mal, de ce qu'on peut dire, de ce qui se fait, d'habitude. On est tous des moutons copiés-collés. Toi si tu pouvais, tu serais encore en train de crier sur la piazza San Marco. Pigeon parmis tant d'autres. Tu crierais au voleur, au bonheur. A la différence près de ton sourire. Tu hurlerais à la vie. Si tu pouvais, tu serais encore là, seule au milieu d'une cinquantaine de petits Français. A regarder, éblouie, la vie d'un autre oeil. Si tu pouvais, tu ferais à nouveau des demi-tours en rechignant, un peu, et tu demanderais aux autres si on n'est pas déjà passés par là. Tu rirais gentiment au nez d'un chauffeur soumis à une perversité aiguë. Tu irais ouvrir la porte 113 à Madame Le Carpentier, et tu l'écouterais sans broncher te dire qu'on vous entend du bout du couloir et qu'il faudrait baisser d'un ton. Si tu pouvais, tu revivrais en boucle ces six tout petits jours jusqu'à les connaître par coeur, jusqu'à ne plus avoir peur d'oublier. Si tu pouvais. Mais tu peux pas. Tu te contrains à ce détail singulier qu'on ne peut vivre qu'une seule fois. Alors la bande de douze, les ruelles remplies des résonnances de vos choeurs, le tiroir à bonbons, la parfaite femme de ménage, les vaporetti chaque matin et chaque soir, inlassablement, les p'tits pois, jaunes ou verts, peu importe, et la femme à pics qui tombe va savoir où, on met tout ça au passé mais on en garde un morceau pour le présent. Histoire d'avoir une raison d'en sourire encore. D'en sourire toujours.

_________Felicità.
____________________.__( Parfois ça se résume en un mot. )

Samedi 1er mars 2008 à 21:19

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