Doucement et tremblantes de désir, les paupières se ferment sur le monde, comme des écoutilles. Deux stores tirés avec pudeur sur la chambre de l'âme. Explorant l'obscurité à tâtons, l'encéphale cherche à remonter le temps qui va au rythme du pouls, au rythme des battements de coeur. Les sensations étaient là hier. La peinture sombre de la nuit se déversait tranquillement dans l'alcôve et noyait tout, noyait la réalité. Le film pailleté d'une jolie romance se diffusait sur les murs et apparaissaient alors les étoiles manquantes à mon ciel. L'illusion était belle de son réalisme, belle de son évidence. Belle de nuit. Tu aurais pu n'être qu'un personnage de fiction, un acteur entré par hasard et jouant la comédie à merveille ; mais tout tendait à me prouver le contraire. Il était vain de croire que ton regard bleu aurait su un jour me mentir, et les émotions, tout à coup débridées, se jetaient à mon cou. Tu étais songe bien plus que mensonge. La minute était sourde à tout ce qu'il pouvait se passer dehors, sourde aux autres visages, aux autres souffles, aux autres lumières. Nous étions singuliers ; ils étaient négligeables, si peu vivants à côté de nous - et j'étais intimement persuadée que rien de tout cela n'existait plus à présent. L'instant était fièvreux, la distance réduite à néant ; nous ne savions plus exister qu'ensemble.
La scène sortait de nulle part, inexistante, inoubliable. Il n'y avait ni couleur, ni contour, plus de frontières entre les choses, entre les corps. Les bruits étaient effacés sous la pédale de la sourdine, même le silence était flou. Les mots avaient cessé d'être prononcés, on avait appris à parler autrement, un nouveau langage. C'étaient les gestes qui comptaient, la maladresse des mains qui ne savent pas où se perdre, les yeux timides qui ne savent pas où se poser, la respiration comme une légère brise, comme si nous réapprenions à vivre. Il n'y avait plus rien d'autre que la liberté et l'abandon commun. Je ne me souviens déjà plus. Des années lumières nous ont subrepticement séparés à l'aurore, la réalité nous a dérobé au rêve. Je ne me souviens que du mot douceur qui émanait de tout cela. La douceur du regard dans lequel j'osais me lover, de ton épaule qui accueillait ma tête, la douceur du sourire qui m'embrassait, et surtout de la vie, à ce moment-là. J'étais vivante, enfin, pour de bon. J'étais, avec toi.
Prosopopée : figure par laquelle l'orateur fait parler, agir un être inanimé, un mort ou un absent.
Tu vois, tu étais ma prosopopée.
Je ne sais pas si je comprends bien ton texte, je ne sais pas :) Je sais simplement que cette douceur dont tu parles est arrivée jusqu'à tes mots, et c'est doux, doux de lire ça un mercredi après midi de novembre. (j'ai lu ton article aussi, sur douleur-distance, je crois que je n'ai pas osé commenté, y a-t-il quelque chose à dire? Et si oui, quoi? Tout ça t'appartient.)
J'espère que tu vas bien en tout cas, que tu tiens le coup... Et que tu fais quand même des choses qui te plaisent en Première S.. :) (j'ai la meilleure moyenne en français, tu ne peux pas savoir comme j'ai été fière.. :) (l)