Doucement et tremblantes de désir, les paupières se ferment sur le monde, comme des écoutilles. Deux stores tirés avec pudeur sur la chambre de l'âme. Explorant l'obscurité à tâtons, l'encéphale cherche à remonter le temps qui va au rythme du pouls, au rythme des battements de coeur. Les sensations étaient là hier. La peinture sombre de la nuit se déversait tranquillement dans l'alcôve et noyait tout, noyait la réalité. Le film pailleté d'une jolie romance se diffusait sur les murs et apparaissaient alors les étoiles manquantes à mon ciel. L'illusion était belle de son réalisme, belle de son évidence. Belle de nuit. Tu aurais pu n'être qu'un personnage de fiction, un acteur entré par hasard et jouant la comédie à merveille ; mais tout tendait à me prouver le contraire. Il était vain de croire que ton regard bleu aurait su un jour me mentir, et les émotions, tout à coup débridées, se jetaient à mon cou. Tu étais songe bien plus que mensonge. La minute était sourde à tout ce qu'il pouvait se passer dehors, sourde aux autres visages, aux autres souffles, aux autres lumières. Nous étions singuliers ; ils étaient négligeables, si peu vivants à côté de nous - et j'étais intimement persuadée que rien de tout cela n'existait plus à présent. L'instant était fièvreux, la distance réduite à néant ; nous ne savions plus exister qu'ensemble.
La scène sortait de nulle part, inexistante, inoubliable. Il n'y avait ni couleur, ni contour, plus de frontières entre les choses, entre les corps. Les bruits étaient effacés sous la pédale de la sourdine, même le silence était flou. Les mots avaient cessé d'être prononcés, on avait appris à parler autrement, un nouveau langage. C'étaient les gestes qui comptaient, la maladresse des mains qui ne savent pas où se perdre, les yeux timides qui ne savent pas où se poser, la respiration comme une légère brise, comme si nous réapprenions à vivre. Il n'y avait plus rien d'autre que la liberté et l'abandon commun. Je ne me souviens déjà plus. Des années lumières nous ont subrepticement séparés à l'aurore, la réalité nous a dérobé au rêve. Je ne me souviens que du mot douceur qui émanait de tout cela. La douceur du regard dans lequel j'osais me lover, de ton épaule qui accueillait ma tête, la douceur du sourire qui m'embrassait, et surtout de la vie, à ce moment-là. J'étais vivante, enfin, pour de bon. J'étais, avec toi.

 

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Prosopopée :  figure par laquelle l'orateur fait parler, agir un être inanimé, un mort ou un absent.

Tu vois, tu étais ma prosopopée.

Lundi 24 novembre 2008 à 22:13

Par Estelle. le Mercredi 26 novembre 2008 à 17:40
Tu vois, je devrais être en train de lire quelques unes des 86 pages d'explication du spectacle que je vais voir ce soir... Je devrais, j'avais même allumé pour ça. Et puis, une fois ici, je ne peux pas m'empêcher de voyager de petits clics en petits clics, d'url en url... Je ne peux pas m'empêcher, de me remplir des mots des autres, ces autres inconnus, que je suis silencieusement. Je ne peux pas m'empêcher de venir approcher leur vie ; je peux le faire moins souvent qu'avant, mais je crois que dès que je peux, je saute sur l'occasion. J'aime ça, mais ça m'effraie à la fois, qu'on puisse faire la même chose avec moi. Puis je me rassure, je me rends à l'évidence, on ne peut pas faire la même chose avec moi. Je viens ici, encore une fois, je viens me remplir de tes mots. Le prof de philo' a rendu les devoirs aujourd'hui: quinze et demi :) j'ai souri, et j'ai parcouru ma copie. Je crois que j'attendais ses commentaires. Je trouve ça assez impressionnant, un prof de philo', surtout quand il a fait Normal Sup', on se dit que.. qu'il en sait quand même beaucoup plus que nous. Alors on se tait la plupart du temps, on boit ses paroles alors qu'il nous explique justement que.. c'est ce qu'il ne faut pas faire :) On prend des notes, on essaie du moins, il ne fait que parler.. Alors parfois, c'est compliqué. Mais je crois que, pour l'instant, j'ai ça, même si l'essence et l'existence m'échappent parfois, j'aime ça :)

Je ne sais pas si je comprends bien ton texte, je ne sais pas :) Je sais simplement que cette douceur dont tu parles est arrivée jusqu'à tes mots, et c'est doux, doux de lire ça un mercredi après midi de novembre. (j'ai lu ton article aussi, sur douleur-distance, je crois que je n'ai pas osé commenté, y a-t-il quelque chose à dire? Et si oui, quoi? Tout ça t'appartient.)

J'espère que tu vas bien en tout cas, que tu tiens le coup... Et que tu fais quand même des choses qui te plaisent en Première S.. :) (j'ai la meilleure moyenne en français, tu ne peux pas savoir comme j'ai été fière.. :) (l)
Par Zuli. le Mercredi 26 novembre 2008 à 22:56
Superbe, tout simplement superbe.
Lire tes mots me manquaient, depuis le temps!
Par bulle2coton le Lundi 15 décembre 2008 à 15:45
je passe pour la première fois ici. et je reste sans voix. toute la magie cachée sous ces mots.
Par Estelle. le Mardi 23 décembre 2008 à 22:45
Tu sais, j'ai un petit quelque chose pour toi.
Pas eu le temps de le poster, il n'arrivera donc pas à temps... Mais je voulais simplement te laisser un petit mot ici, j'espère que tu y écriras encore en 2009, j'espère que l'on aura encore droit à tes écrits, à tes espoirs, à toutes ces choses là. J'espère aussi que tu passeras de bonnes fêtes, à Valence ou ailleurs. Entourée des tiens, heureuse j'espère. Je penserai très fort à toi demain soir, très très fort à toi. Je t'embrasse fort. (L)

Petit mot en passant, je pense à toi.
J'ai le coeur en bouillis, parfois, je voudrais oublier. Je voudrais que certaines choses n'arrivent pas si près de cette aussi jolie période qu'est Noël...
Par maud96 le Jeudi 31 mai 2012 à 8:36
Pour répondre à ton com de cette nuit, non, je ne suis pas "forte", seulement "résignée" et un peu fataliste. Puisque tu suis des cours en médecine, pour avoir l'explication, va voir sur Internet à quoi mène le syndrôme de Marfan. Cela explique le double truc au cœur et ce avec quoi je dois vivre... Mais on survit "très bien" à ça aujourd'hui... Pour le reste, celà m'a appris à me battre, et c'est sans doute bien ainsi.... mais pas à être amoureuse encore hélas, et c'est une des raisons (avec son "écriture") pour lesquelles j'aime ton blog...
 

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